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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/610

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peu honteuse de prendre avec un tel homme tant de liberté et de lui faire perdre un temps si précieux. Il y restait longtemps. On pouvait prévoir ce qui arriva. La pauvre jeune fille, toute malade qu’elle était, n’en porta pas moins à la tête de Girard un invincible enivrement. Une fois, en s’éveillant, elle se trouva dans une posture très ridiculement indécente ; une autre, elle le surprit qui la caressait. Elle rougit, gémit, se plaignit. Mais il lui dit impudemment : « Je suis votre maître, votre Dieu… Vous devez tout souffrir au nom de l’obéissance. » Vers Noël, à la grande fête, il perdit la dernière réserve. Au réveil, elle s’écria : « Mon Dieu ! que j’ai souffert ! » — « Je le crois, pauvre enfant ! » dit-il d’un ton compatissant. Depuis, elle se plaignit moins, mais ne s’expliquait pas ce qu’elle éprouvait dans le sommeil (p. 5, 12, etc.).

Girard comprenait mieux, mais non sans terreur, ce qu’il avait fait. En janvier, février, un signe trop certain l’avertit de la grossesse. Pour comble d’embarras, la Laugier aussi se trouva enceinte. Ces parties de dévotes, ces mangeries, arrosées indiscrètement du petit vin du pays, avaient eu pour premier effet l’exaltation naturelle chez une race si inflammable, l’extase contagieuse. Chez les rusées, tout était contrefait. Mais chez cette jeune Laugier, sanguine et véhémente, l’extase fut réelle. Elle eut, dans sa chambrette, de vrais délires, des défaillances, surtout quand Girard y venait. Elle fut grosse un peu plus tard que la Cadière, sans doute aux fêtes des Rois (p. 37, 114).

Péril très grand. Elles n’étaient pas dans un