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le sang, et elle en perdait encore d’autre façon. Mais en même temps sa nature semblait changée. À mesure qu’elle souffrait, elle devenait amoureuse. Le vingtième jour du carême, elle voit son nom uni à celui de Girard. L’orgueil alors exalté, stimulé du sens nouveau qui lui venait, l’orgueil lui fait comprendre le domaine spécial que Marie (la femme) à sur Dieu. Elle sent combien l’ange est inférieur au moindre saint, à la moindre sainte. — Elle voit le palais de la gloire, et se confond avec l’Agneau !… Pour comble d’illusion, elle se sent soulevée de terre, monter en l’air à plusieurs pieds. Elle peut à peine le croire, mais une personne respectée, Mlle Gravier, le lui assure. Chacun vient, admire, adore. Girard amène son collègue Grignet, qui s’agenouille et pleure de joie.

N’osant y aller tous les jours, Girard la faisait venir souvent à l’église des Jésuites. Elle s’y traînait à une heure, après les offices, pendant le dîner. Personne alors dans l’église. Il s’y livrait devant l’autel, devant la croix, à des transports que le sacrilège rendait plus ardents. N’y avait-elle aucun scrupule ? pouvait-elle bien s’y tromper ? Il semble que sa conscience, au milieu d’une exaltation sincère encore et non jouée, s’étourdissait pourtant déjà, s’obscurcissait. Sous les stigmates sanglants, ces faveurs cruelles de l’Époux céleste, elle commençait à sentir d’étranges dédommagements. Heureuse de ses défaillances, elle y trouvait, disait-elle, des peines d’infinie douceur et je ne sais quel flot de la Grâce « jusqu’au consentement parfait. » (p. 425, in-douze.)

Elle fut d’abord étonnée et inquiète de ces choses