Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/667

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Catherine de Gênes. Le soir, son confesseur se cachait, restait dans sa chambre, pour voir les prodiges qu’elle faisait et la surprendre en miracle flagrant.

« Mais le malheur était ici, que l’enfer, qui ne dort jamais, avait tendu un piège à cet agneau de Dieu, avait vomi, lancé, ce drac femelle, ce monstre dévorant, maniaque et démoniaque, pour l’engloutir, le perdre au torrent de la calomnie ».

C’est un usage antique et excellent d’étouffer au berceau les monstres. Mais pourquoi pas plus tard aussi ? Le charitable avis des dames de Girard, c’était d’y employer au plus vite le fer et le feu. « Qu’elle périsse ! » disaient les dévotes. Beaucoup de grandes dames voulaient aussi qu’elle fût châtiée, trouvant exorbitant que la créature eût osé porter plainte, mettre en cause un tel homme qui lui avait fait trop d’honneur.

Il y avait au Parlement quelques obstinés jansénistes, mais ennemis des Jésuites plus que favorables à la fille. Et qu’ils devaient être abattus, découragés, voyant contre eux tout à la fois et la redoutable Société, et Versailles, la cour, le cardinal-ministre, enfin les salons d’Aix. Seraient-ils plus vaillants que le chef de la justice, le chancelier d’Aguesseau qui avait tellement molli ? Le procureur général n’hésita pas ; lui, chargé d’accuser Girard, il se déclara son ami, lui donna ses conseils pour répondre à l’accusation.

Il ne s’agissait que d’une chose, de savoir par quelle réparation, quelle expiation solennelle, quel châtiment exemplaire la plaignante, devenue accusée,