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La Cadière aurait dû, aux termes de l’arrêt, pouvoir y retourner, être remise à sa mère. Mais j’ose dire qu’on ne permit jamais qu’elle revînt sur ce brûlant théâtre de sa ville natale, si hautement déclarée pour elle. Qu’en fit-on ? Jusqu’ici personne n’a pu le savoir.

Si le seul crime de s’être intéressé à elle méritait la prison, on ne peut douter qu’elle n’ait été bientôt emprisonnée elle-même ; que les Jésuites n’aient eu aisément de Versailles une lettre de cachet pour enfermer la pauvre fille, pour étouffer, ensevelir avec elle une affaire si triste pour eux. On aura attendu sans doute que le public fût distrait, pensât à autre chose. Puis la griffe l’aura ressaisie, plongée, perdue dans quelque couvent ignoré, éteinte dans un in-pace.

Elle n’avait que vingt et un ans au moment de l’arrêt, et elle avait toujours espéré de vivre peu. Que Dieu lui en ait fait la grâce[1] !

  1. La persécution a continué, et par la publication altérée des documents, et jusque dans les historiens d’aujourd’hui. Même le Procès (in-folio, 1734), notre principale source, est suivi d’une table habilement combinée contre la Cadière. À son article, on trouve indique de suite et au complet (comme faits prouvés) tout ce qui a été dit contre elle ; mais on n’indique pas sa rétractation de ce que le poison lui a fait dire. Au mot Girard, presque rien ; on vous renvoie, pour ses actes, à une foule d’articles qu’on n’aura pas la patience de chercher. — Dans la reliure de certains exemplaires, on a eu soin de placer devant le Procès, pour servir de contre-poison, des apologies de Girard, etc. — Voltaire est bien léger sur cette affaire ; il se moque des uns et des autres, surtout des jansénistes. — Les historiens de nos jours, qui certainement n’ont pas lu le Procès, MM. Cabasse, Fabre, Méry, se croient partiaux, et ils accablent la victime.