Page:Michelet - OC, La Montagne, L’Insecte.djvu/257

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le soir, quand le foyer de l’instrument concentre la lumière. Enfin, pour résumer tout, ces études demandent ce qu’on a le moins aujourd’hui, qu’on soit hors du monde, hors du temps, soutenu par une curiosité innocente, un pieux, un infatigable amour de ces imperceptibles vies. Elles sont une sorte de maternité virginale et solitaire. L’absorption où me tenait ce terrible seizième siècle ne me lâcha qu’au printemps de 1856. L’Oiseau aussi avait paru. J’essayai de respirer un moment, et je m’établis à Montreux, près Clarens, sur le lac de Genève. Mais ce lieu entre tous délicieux, en me ramenant à un vif sentiment de la nature ; ne m’en rendait pas la sérénité. J’étais trop ému encore de cette sanglante histoire. Une flamme était en moi que rien ne pouvait éteindre. Je m’en allais, le long des routes, avec mon verre de sapin, goûtant l’eau à chaque fontaine (toutes si fraîches, toutes si pures), leur demandant si quelqu’une aurait la vertu d’effacer tant de choses amères du passé et du présent, et laquelle de tant de sources serait pour moi l’eau du Léthé. A Lucerne enfin, je trouvai, à une bonne demi-lieue de la ville, je ne sais quel ancien couvent devenu auberge, et je pris pour mon cabinet le parloir, pièce très vaste qui, par sept fenêtres ouvertes sur les monts, le lac et la ville, dans une triple exposition, me donnait un jour magnifique à toutes les heures. Du matin au soir, le soleil me restait fidèle et tournait autour de mon microscope, mis au milieu de la chambre. Le beau lac que j’avais en face et de tous les côtés n’est pas encore là celui qui, serré, âpre et violent, s’appellera le lac d’Uri. Mais les sapins qui