Page:Michelet - OC, La Montagne, L’Insecte.djvu/259

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peu plus bas, on n’en est pas plus près du ciel. Mais c’est que la grande harmonie, ailleurs vague, est palpable ici. La solidarité de la vie, la circulation de la nature, la bienveillante mutualité de ses éléments, tout est visible. Il se fait une grande lumière. Chaque chaîne filtre de son glacier, pour révélation de la zone inaccessible, un torrent qui, recueilli, calmé, épuré dans un vaste lac, traduit en eau pure, en eau bleue, sort grand fleuve et va, magnifique, porter partout l’âme des Alpes. De ces nnombrables eaux remonteront aux montagnes les brumes qui renouvellent le trésor de leurs glaciers. Tout est si bien harmonisé et les perspectives sont telles, que les lacs et leurs fleuves réfléchissent ou regardent encore en s’éloignant la grave assemblée des montagnes, des hautes neiges, des vierges sublimes dont ils sont une émanation. Ils se regardent, s’expliquent, s’accordent, s’aiment. Mais dans quelle austérité ! Ils s’aiment comme identité des contrastes les plus forts. Fixité et fluidité. Rapidité, éternité. Les neiges par-dessus la verdure. L’hiver pressenti dès l’été. De là une nature prudente, une sagesse générale dans les choses mêmes. On jouit sans perdre de vue qu’on ne jouira pas longtemps. Mais le cœur n’en est pas moins touché d’un monde si sérieux et si pur. Cette brièveté attache et cette austérité captive. Des neiges aux lacs, des bois aux fleuves, aux vertes et fraîches prairies, une virginité souveraine domine toute la contrée. Ce sont des lieux pour tous les âges. L’âge avancé s’y raffermit, s’y associe à la Nature, et salue sans