Page:Michelet - OC, La Montagne, L’Insecte.djvu/268

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surtout, ces pins qu’on vient de planter, et qui ne souffrent pas que rien vive sous leur ombre. Pour trouver ce que tout cela cache en dessous, il faut avoir l’instrument qui fait découvrir les sources, la baguette de coudrier. Tournez-la, et vous trouverez. Et quelle est cette baguette ? Une étude ou un amour, une passion qui illumine ce monde intérieur. La puissance de ce lieu n’est nullement dans ce qu’il a d’historique, ni dans ce qu’il contient d’art [1]. Le château y distrait de la forêt par sa variété extrême de souvenirs et d’époques. Il n’en augmente pas l’impression, au contraire. La vraie fée, c’est la nature ; c’est cette étrange contrée, sombre, fantastique et stérile. Notez que partout où la forêt prend de la grandeur, soit par l’étendue de la vue, soit par la hauteur des arbres, elle ressemble à toute forêt. Les hêtres très magnifiques, élancés, du Bas-Bréau, me semblent, malgré leur belle taille, leur écorce lisse, une chose qu’on voit ailleurs. Ce lieu n’est original que là où il est bas, sombre, rocheux, où il montre le combat du grès, de l’arbre tordu, la persévérance de l’orme ou l’effort vertueux du chêne. Bien des gens sont restés ici pris, englués. Ils sont venus pour un mois, et sont restés jusqu’à la mort. Ils ont dit à ce lieu fée le mot de l’amant à l’amante : « Que je vive, que je meure en toi ! » Tecum vivere amem, tecum obeam libens ! Le curieux, c’est que chacun y reconnaît ce qu’il

  1. Il possède pourtant trois choses : une magnifique, la salle d’Henri II ; une merveilleuse, la petite galerie de François 1er ; et une sublime, les quatre colosses, reste incomparable d’un art perdu, la sculpture en grès.