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LE PEUPLE

que de mon étude. Je l’ai tiré de mon observation, de mes rapports d’amitié, de voisinage ; je l’ai ramassé sur les routes ; le hasard aime à servir celui qui suit toujours une même pensée. Enfin, je l’ai trouvé surtout dans les souvenirs de ma jeunesse. Pour connaître la vie du peuple, ses travaux, ses souffrances, il me suffisait d’interroger mes souvenirs. Car, moi aussi, mon ami, j’ai travaillé de mes mains. Le vrai nom de l’homme moderne, celui de travailleur, je le mérite en plus d’un sens. Avant de faire des livres, j’en ai compostématériellement j’ai assemblé des lettres avant d’assembler des idées, je n’ignore pas les mélancolies de l’atelier, l’ennui des longues heures.

Triste époque c’étaient les dernières années de l’Empire ; tout semblait périr à la fois pour moi, la famille, la fortune et la patrie. Ce que j’ai de meilleur, sans nul doute, je le dois à ces épreuves le peu que vaut l’homme et l’historien, il faut le leur rapporter. J’en ai gardé surtout un sentiment profond du peuple, la pleine connaissance du trésor qui est en lui la vertu du sacrifice, le tendre ressouvenir des âmes d’or que j’ai connues dans les plus humbles conditions. Il ne faut point s’étonner si, connaissant autant que personne les précédents historiques de ce peuple, d’autre part ayant moi-même partagé sa vie, j’éprouve, quand on me parle de lui, un besoin exigeant de vérité. Lorsque le progrès de mon Histoire m’a conduit à m’occuper des questions actuelles, et que