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LES FEMMES DU 6 OCTOBRE (89)

la plus déchirante peut-être au cœur maternel, c’est que l’enfant est injuste. Habitué à trouver dans la mère une providence universelle qui suffit à tout, il s’en prend à elle, durement, cruellement, de tout ce qui manque ; crie, s’emporte, ajoute à la douleur une douleur plus poignante.

Voilà la mère. Comptons aussi beaucoup de filles seules, tristes créatures sans famille, sans soutien, qui trop laides, ou vertueuses, n’ont ni ami, ni amant, ne connaissent aucune des joies de la vie. Que leur petit métier ne puisse plus les nourrir, elles ne savent point y suppléer : elles remontent au grenier, attendent ; parfois on les trouve mortes, la voisine s’en aperçoit par hasard.

Ces infortunées n’ont pas même assez d’énergie pour se plaindre, faire connaître leur situation, protester contre le sort. Celles qui agissent et remuent, au temps des grandes détresses, ce sont les fortes, les moins épuisées par la misère, pauvres plutôt qu’indigentes. Le plus souvent, les intrépides qui se jettent alors en avant sont des femmes d’un grand cœur, qui souffrent peu pour elles-mêmes, beaucoup pour les autres ; la pitié, inerte, passive, chez les hommes, plus résignés aux maux d’autrui, est chez les femmes un sentiment très actif, très violent, qui devient parfois héroïque, et les pousse impérieusement aux actes les plus hardis.

Il y avait, au 5 octobre, une foule de malheureuses créatures qui n’avaient pas mangé depuis trente heures. Ce spectacle douloureux brisait les cœurs et personne n’y faisait rien ; chacun se renfermait en déplorant la dureté des temps. Le