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Page:Michelet - OC, Mémoires de Luther.djvu/18

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faire et consentit à assister à son ordination. On avait choisi pour la cérémonie le jour où le mineur pouvait quitter ses travaux. Il vint à Erfurth avec plusieurs de ses amis, et donna au fils qu’il perdait ce qu’il avait pu mettre de côté, vingt florins.

Il ne faut pas croire qu’en prenant ces engagements redoutables, le nouveau prêtre fût poussé par une ferveur singulière. Nous avons vu avec quel bagage de littérature mondaine il était entré dans le cloître. Écoutons-le lui-même sur les dispositions qu’il y apportait : « Lorsque je dis ma première messe à Erfurth, j’étais presque mort car je n’avais aucune foi. Je voyais seulement que j’étais très digne. Je ne me regardais point comme un pécheur. La première messe était chose fort célébrée et dont il revenait beaucoup d’argent. On apportait les horas canonicas avec des flambeaux. Le cher jeune seigneur, comme les paysans appelaient leur nouveau curé, devait alors danser avec sa mère, si elle vivait encore, et les assistants en pleuraient de joie. Si elle était morte, il la mettait, disait-on, sous le calice et la sauvait du purgatoire. »

Luther ayant obtenu ce qu’il voulait, étant devenu prêtre, moine, tout étant consommé, et la porte close, alors commencèrent, je ne dis pas les regrets, mais les tristesses, les perplexités, les tentations de la chair, les mauvaises subtilités de l’esprit. Nous ne savons guère aujourd’hui ce que c’est que cette rude gymnastique de l’âme solitaire. Nous donnons bon ordre à nos passions. Nous les tuons à leur naissance. Dans cette énervante distraction d’affaires, d’études, de