Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/170

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douzième siècle, et l’autorité qui s’appuie sur la pratique consommée du monde moderne : il y a en lui du saint François d’Assise et du Machiavel. De quelque manière qu’on l’envisage, il est de ceux qui investissent les esprits par les extrémités les plus opposées.

Dans un château de Biscaye, un jeune homme, d’une famille ancienne, reçoit, au commencement du seizième siècle, l’éducation militaire de la noblesse espagnole ; en maniant l’épée, il lit, par désœuvrement, les Amadis ; c’est là toute sa science. Il devient page de Ferdinand, puis capitaine d’une compagnie ; beau, brave, mondain, avide surtout de bruits et de batailles. Au siége de Pampelune par les Français, il se retire dans la citadelle ; il la défend courageusement à outrance ; sur la brèche, un biscaïen lui casse la jambe droite ; on l’emporte sur une litière dans le château voisin, c’est celui de son père. Après une opération cruelle, subie avec héroïsme, il demande, pour se distraire, ses livres de chevalerie. On ne trouve dans ce vieux château pillé, que la vie de Jésus-Christ et des saints. Il les lit ; son cœur, sa pensée, son génie s’enflamment d’une révélation subite. En quelques moments, ce jeune homme, épris d’un amour humain, s’allume d’une sorte de fureur divine ; le page est maintenant, un