Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/228

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des rugissements de bêtes fauves, des émeutes, des révoltes, qui, pour quelque temps, chassent, dispersent les missionnaires ; après quoi, chacun rentre dans son ancienne condition, comme si rien ne s’était passé, la foule dans sa dépendance puérile, les instituteurs dans leur autorité de droit divin. Le bréviaire dans une main, la verge dans l’autre, quelques hommes conduisent et conservent comme un troupeau les derniers débris des empires des Incas. C’est là en soi un grand spectacle, si l’on y joint un art infini à s’isoler du reste de l’univers, et, malgré le silence dont on s’environne, des révolutions continuelles qui excitent je ne sais quel soupçon dont personne ne peut se défendre, ni le roi d’Espagne, ni le clergé régulier, ni le pape. Cette éducation d’un peuple se consomme dans un mystère profond, comme s’il s’agissait d’une trame ténébreuse. De temps en temps, quand ils sont pressés, on voit les pères missionnaires, selon l’expression de l’un d’entre eux, s’élancer avec leurs néophytes à la chasse des Indiens, comme à la chasse des tigres, les enfermer dans une enceinte réservée, peu à peu, les apaiser, les dompter, les parquer dans l’église.

A cette constitution s’attache le triomphe de la société de Jésus ; puisque c’est là qu’elle a pu mettre son