Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

surance, un scrupule le saisit tout à coup ; quel est-il ? celui de savoir s’il est permis de se servir du poison aussi bien que du fer ? ici reparaissent les distinctions de la casuistique dont jusqu’à ce moment il s’était affranchi. Il ne veut pas du poison par un motif exclusivement chrétien, parce que le prince en buvant le médicament préparé[1] commettrait à son insu un demi-suicide, chose opposée à la loi évangélique. Cependant, puisque la fraude et la ruse sont légitimes, il trouve ce tempérament, que l’empoisonnement est permis, toutes les fois que le prince ne s’empoisonne pas lui-même ; par exemple si l’on se sert d’un venin assez subtil pour tuer seulement en impreignant de sa substance le vêtement royal, nimirùm cum tanta vis est veneni, ut sellâ eo aut veste delibutâ vim interficiendi habeat.

Maintenant, souvenez-vous que ce livre n’est pas un ouvrage ordinaire, qu’il est écrit pour l’éducation du futur roi d’Espagne ! quelle profondeur et quelle audace ! au milieu de la cour, sous l’or pur de l’évangile et de la morale de Xénophon, faire sentir ainsi d’avance les pointes du fer à la poitrine de ce royal disciple, présenter la menace en même temps que l’enseignement, tenir le bras de la so-

  1. Noxium medicamentum. De Rege, lib. I, cap. VII, p. 67.