Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moment que vous choisissez pour vous enorgueillir de la victoire ! et vous parlez, vous agissez comme si rien ne s’était passé ! Avouez que c’est là un triomphe effrayant, et que, si vous avez des ennemis, ils doivent désirer qu’il ne finisse pas.

D’où est venue cette illusion ? d’une situation fausse pour tout le monde. Les concessions trompeuses que se sont faites mutuellement la croyance et la science, n’ont servi qu’à les altérer l’une et l’autre. L’orthodoxie, qui a voulu pendant quelque temps s’identifier avec la philosophie, en a pris les formes et le manteau. De son côté, la philosophie s’est vantée d’être orthodoxe ; déguisant ses doctrines, elle a souvent affecté le langage de l’église ; après l’avoir bouleversée au siècle dernier, elle a prétendu, dans celui-ci, la réparer sans la changer. Dans cette confusion des rôles, que de pensées, que d’esprits ont été faussés ! et, pour résultat, quelle stérilité ! Enchaînée par cette fausse trêve, la tradition, transformée, altérée, méconnaissable, avait perdu son propre génie. La langue même se ressentait de ce chaos. On ne parlait plus de l’église, mais de l’école catholique. D’autre part, que devenait la philosophie sous son masque de chaque jour ? Obligée de détourner le sens de chacune de ses pensées, se ménageant toujours une double issue,