Dieu, qui est la beauté, n’a pas créé de laideur absolue. La laideur est un passage inharmonique.
Il y a laideur et laideur. L’une qui veut être moins laide, s’harmoniser, s’ordonner, suivre le progrès, suivre Dieu… L’autre qui veut être plus laide, et qui, à mesure que le monde s’harmonise, aspire à l’ancien chaos.
De même, dans l’histoire et dans l’art, on sympathise avec les formes laides qui voudraient leur changement. « Expecto, Domine, donec veniat immutatio mea… » Voyez dans nos cathédrales ces misérables figures accroupies qui, sous le poids d’un pilier énorme, tâchent pourtant de lever la tête ; c’est l’aspiration visible du triste peuple d’alors. Vous le retrouvez, au quinzième siècle, laid et grimaçant, mais intelligent, avisé[1] ; à travers cette laideur, vous pressentez l’harmonie moderne.
La laideur odieuse, incurable, celle qui choque les yeux, encore plus le cœur, c’est celle qui accuse la volonté de rester telle, de ne pas se laisser améliorer
- ↑ Voyez la statue de la fille de Jean Bureau à Versailles.
mon dos, volons ensemble à la lumière ! » — « Quoi ! avec ce ventre de reptile, vous promettez de voler ! c’est vous, chauve-souris, qui me menez au soleil ?… Arrière ! monstres chimériques, arrière, mensonges vivants !… Sainte lumière, viens à mon aide, contre les fantômes du chaos, et l’engloutissement de la vieille nuit ! »