Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/579

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inanimées, et étaient tenus en jurisprudence loco rerum.

Les duels durent être chez les nations barbares une espèce de jugements divins, qui commencèrent sous les gouvernements divins et furent longtemps en usage sous les gouvernements héroïques ; on se rappelle ce passage de la Politique d’Aristote (cité dans les axiomes) où il dit que les républiques héroïques n’avaient point de lois qui punissent l’injustice et réprimassent les violences particulières[1]. Il est certain que dans la législation romaine ce ne sont que les préteurs qui introduisirent la loi prohibitive contre la violence, et les actions de vi honorum raptorum. Aux temps de la seconde barbarie (celle du moyen âge), les représailles particulières durèrent jusqu’au temps de Barthole.

C’est par erreur que quelques-uns ont écrit que les duels s’étaient introduits par défaut de preuves ; ils devaient dire par défaut de lois judiciaires. Frotho, roi de Danemark, ordonna que toutes les contestations se terminassent par le moyen du duel : c’était défendre qu’on les terminât par des jugements selon le droit. On ne voit qu’ordonnances du duel dans les lois des Lombards, des Francs, des Bourguignons, des Allemands, des Anglais, des Normands et des Danois.

On n’a pas cru que la barbarie antique eût aussi connu l’usage du duel. Mais doit-on penser que ces premiers hommes, que ces géants, ces cyclopes, aient su endurer l’injustice ? L’absence de lois, dont parle

  1. On ne pouvait jusqu’ici ajouter foi à cette vérité tant que l’on attribuait aux premiers peuples ce parfait héroïsme imaginé par les philosophes ; préjugé qui résultait d’une opinion exagérée que l’on s’était formée de la sagesse des anciens. (Vico.)