Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/16

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ces paroles. Ces peuples entrent déjà comme une force dans les calculs de la politique : pour combattre cette force ou pour la diriger, la prudence ordonnerait d’étudier son point de départ, de mesurer le chemin qu’elle a parcouru, d’apprécier sa tension, de deviner son but. La série d’observations qui conduirait à ces utiles résultats, est l’étude de l’histoire. Or on sait aujourd’hui s’il est possible de comprendre l’histoire d’un peuples sans avoir pénétré le fonds de sa littérature. Les nations éclairées doivent à la postérité de tourner le flambeau de l’histoire du côté des peuples les moins civilisés. Tout ce que nous savons des Barbares, nous l’avons appris des Grecs et des Romains. À l’époque de la grandeur de l’Empire, Tacite composa un écrit très court sur les Germains ; sa parole est devenue pour notre temps la source de précieuses, de nombreuses connaissances. Avec les dissertations et les commentaires composés sur les quelques lignes de Tacite, on ferait aujourd’hui toute une bibliothèque. Nous, qui de Barbares sommes arrivés à occuper la place des Grecs et des Romains, nous gémissons de leur laconisme à l’endroit de nos ancêtres. Ne nous exposons pas à mériter de la postérité le même reproche. Les Slaves ont pesé et ils pèsent encore sur l’Occident. De leurs contrées sont sorties ces foules qui ont détruit Rome, Rome qui ne voulait pas songer aux Barbares, tandis que ces Barbares s’occupaient avidement de tout ce qui se passait à Rome ! Ne dédaignons pas comme la ville éternelle, ne dédaignions pas les Barbares !