Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/177

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ville, que ce n’était pas la langue d’un état représentant l’histoire entière d’un peuple et répondant à tous les besoins intellectuels d’une nation. On a dit qu’une langue devait posséder l’héritage d’une civilisation précédente, et être capable de s’approprier la civilisation future.

Pourquoi y a-t-il des dialectes qui, quoique très, développés, très riches, ont disparu déjà, ou disparaissent aujourd’hui ? Ils ont cessé de vivre en restant stationnaires. Par exemple, en France, les dialectes méridionaux, de beaucoup les plus riches en expressions, les plus sonores, les plus gracieux, sont tombés au rang de patois de campagne. C’est qu’ils n’ont pas absorbé la civilisation antique, qu’ils ont repoussé, l’influence du latin, croyant conserver ainsi leurs traditions locales, qu’ils se sont éloignés de tout mouvement historique et se sont ainsi condamnés à périr v dans leur isolement. Au contraire, le dialecte du nord de la France, élaboré par la philosophie scolastique, achevé par l’initiation des modèles de l’antiquité, représente, non-seulement la civilisation française, mais encore tout ce qui pouvait y pénétrer de la civilisation latine.

C’est par la même raison que l’antique dialecte slave, appelé à tort slave par excellence, c’est-à-dire le dialecte d’église, n’a pu survivre à la traduction de la Bible et de quelques livres liturgiques ; ne suivant pas les progrès du christianisme, il ne pouvait exprimer les nouveaux besoins de la société slave, il se contentait de parler du passé ; il s’est trouvé ainsi banni de la vie commune.