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Semblables au commun pour la teinte et la forme,
Leur corps est moins étroit et leur ventre est énorme.
Elles vont bourdonnant, et, dans leur vol bruyant,
Traversent les tissus d’araignée en fuyant :
Ou, si quelqu’une y reste, elle gronde indignée
Trois jours de suite et vend sa vie à l’araignée.
Le Woïski connait bien leurs mœurs ; même il soutient
Que le menu fretin de ces nobles provient,
Qu’aux mouches elles sont ce qu’est l’abeille mère,
Qu’on tue, en les tuant, la race tout entière.
L’Intendante, il est vrai, pas plus que le Curé,
Ne croit ce que lui seul il tient pour assuré,
Et sur l’espèce mouche autre est leur théorie :
Mais le Woïski quand même en est pour la tuerie.
Dès qu’une mouche noble arrive, il la poursuit.
Il venait justement de percevoir ce bruit :
Deux fois il frappe en vain. Surpris à juste titre,
Il frappe encor, risquant de briser une vitre :
La mouche qu’étourdit ce vacarme effrayant
Gagne la porte et voit le couple : en le voyant,.
Eperdue elle glisse entre les deux visages,
Et la main du Woïski la suit dans ces parages.
Les deux têtes du couple à son tour effrayé,
Comme les deux moitiés d’un arbre foudroyé
Se séparent… au mur toutes deux rebondissent ;
Aux deux endroits heurtés deux bosses s’arrondissent.

Personne heureusement n’en vit rien : les discours,
Qui, bruyants jusque là, suivaient pourtant leur cours,
Eclatent tout à coup en un affreux vacarme.
Lorsque sous bois la chasse entre sur une alarme,
On entend le bois mort craquer, les chiens grogner…
Tout à coup le traqueur signale un sanglier :
Alors du cri des chiens, des chasseurs le bois tremble
Comme si tous les vents se déchaînaient ensemble.
Les discours font de même ils s’en vont hésitant,
Jusqu’à ce que surgisse un sujet important,
Un sanglier. Ici c’est encor la querelle
Sur les deux lévriers, la querelle éternelle.
Ce fut court : les rivaux ne perdent pas de temps :
Ils échangent d’abord tant de mots insultants,
Qu’épuisant les trois parts que compte une dispute
Outrages, cris, défis, leurs poings entrent en lutte.

Dans l’autre chambre alors on se lève aussitôt.
La foule qui s’avance emporte comme un flot