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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

changer plusieurs fois le lieu de ses réunions. Enfin, l’autorité municipale se vit obligée, en janvier 1791, de fermer ce club, devenu l’occasion d’émeutes fréquentes.

La défiance de la multitude était extrême ; le départ des tantes du roi, dont elle s’exagérait l’importance, vint accroître son inquiétude, et fit supposer qu’on préparait un autre départ. Les soupçons n’étaient point sans fondement, et ils occasionnèrent une sorte d’émeute dont les contre-révolutionnaires voulurent profiter pour enlever le roi. Ce projet échoua par la détermination et l’habileté de Lafayette. Pendant que la multitude se transportait à Vincennes pour abattre le donjon qui, selon elle, communiquait avec les Tuileries, et devait servir à la fuite du roi, plus de six cents personnes, armées d’épées et de poignards, envahirent les Tuileries, afin d’entraîner le roi à fuir. Lafayette, qui s’était rendu à Vincennes, à la tête de la garde nationale, pour disperser la multitude, vint désarmer les contre-révolutionnaires du château, après avoir dissipé l’attroupement populaire ; et il reconquit, par sa seconde expédition, la confiance que devait lui faire perdre la première.

Cette tentative fit craindre plus que jamais l’évasion de Louis XVI. Aussi, lorsqu’il voulut, quelque temps après, se rendre à Saint-Cloud, il en fut empêché par la foule et par sa garde elle-même, malgré les efforts de Lafayette, qui tenait à faire respecter la loi et la liberté du monarque. L’assemblée, de son côté, après avoir décrété l’inviolabilité du prince, après avoir réglé sa garde constitutionnelle, attribué la régence au plus proche héritier mâle de la couronne, déclara que sa fuite hors du royaume entraînerait sa déchéance. Le redoublement de l’émigration, ses projets bien avoués, l’attitude menaçante des cabinets de l’Europe, étaient bien propres à faire craindre que le roi ne prît une semblable détermination.

Ce fut alors que, pour la première fois, l’assemblée voulut arrêter les progrès de l’émigration par un décret ; mais ce décret était difficile. Si l’on punissait ceux qui sortaient du