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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

par d’autres motifs, quittaient leur patrie, sans toutefois s’armer contre elle. Il demanda des lois sévères contre les deux premières classes, et dit qu’il serait au contraire d’une bonne politique de se montrer indulgent envers la dernière. Quant aux ecclésiastiques non assermentés et perturbateurs, quelques Girondins voulaient se borner à une surveillance plus étroite ; les autres prétendaient qu’il n’y avait à leur égard qu’un moyen sûr à prendre ; qu’on ne ferait cesser l’esprit de sédition qu’en les bannissant du royaume. « Toute voie de conciliation, dit l’impétueux Isnard, est désormais inutile : je demande ce qu’ont produit jusqu’ici tant de pardons réitérés ? Vos ennemis n’ont fait qu’augmenter leur audace en proportion de votre indulgence ; ils ne cesseront de vous nuire que quand ils n’en auront plus les moyens. Il faut qu’ils soient vainqueurs ou vaincus : voilà où il faut en venir, et tout homme qui ne voit pas cette grande vérité est à mon sens un aveugle en politique. »

Les constitutionnels étaient opposés à toutes ces mesures ; ils ne niaient pas le danger, mais ils considéraient de pareilles lois comme arbitraires. Ils disaient qu’avant tout il fallait respecter la constitution, et se borner dès lors à des mesures de précaution ; qu’il suffisait de se mettre en défense contre les émigrés ; et d’attendre, pour punir les prêtres dissidents, qu’on découvrît de véritables conspirations de leur part ; ils recommandaient de ne pas violer la loi, même contre ses ennemis, de peur qu’une fois engagé dans cette carrière on ne s’y arrêtât plus et que la révolution ne se perdît comme l’ancien régime par ses injustices. Mais l’assemblée, qui croyait le salut de l’état plus important que l’observation stricte de la loi, qui voyait des périls dans l’hésitation, et qui était d’ailleurs travaillée des passions qui entraînent aux démarches expéditives, ne fut pas arrêtée par ces considérations. Le 30 octobre, elle adopta encore, du consentement commun, un décret relatif au frère aîné du roi, Louis-Stanislas-Xavier. Ce prince fut requis, aux termes de la constitution , de rentrer en France dans deux mois ; sinon, à l’expiration de ce délai,