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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

élu empereur), sur les circonstances majeures où la nation se trouvait, sur son vœu bien prononcé de ne souffrir aucun outrage ni aucune atteinte à ses droits, sur l’honneur et la bonne foi de Louis XVI, qui était dépositaire de la dignité et de la sûreté de la France, il concluait à la guerre contre l’Autriche. Louis XVI dit alors, d’une voix un peu altérée : « Vous venez, messieurs, d’entendre le résultat des négociations que j’ai suivies avec la cour de Vienne. Les conclusions du rapport ont été l’avis unanime des membres de mon conseil ; je les ai adoptées moi-même. Elles sont conformes au vœu que m’a manifesté plusieurs fois l’assemblée nationale, et aux sentiments que m’ont témoignés un grand nombre de citoyens des diverses parties du royaume ; tous préfèrent la guerre à voir plus longtemps la dignité du peuple français outragée et la sûreté nationale menacée. J’avais dû préalablement épuiser tous les moyens de maintenir la paix. Je viens aujourd’hui, aux termes de la constitution, proposer à l’assemblée nationale la guerre contre le roi de Hongrie et de Bohême. » Quelques applaudissements furent donnés aux paroles du roi ; mais la solennité de la circonstance et la grandeur de la décision avaient pénétré tout le monde d’une émotion concentrée et silencieuse. Dès que le roi fut sorti, l’assemblée indiqua, pour le soir, une séance extraordinaire, dans laquelle la guerre fut décidée à la presque unanimité. Ainsi fut entreprise, avec la principale des puissances confédérées, cette guerre qui s’est prolongée un quart de siècle, qui a affermi la révolution victorieuse, et qui a changé la face même de l’Europe.

La France entière en reçut l’annonce avec joie. La guerre communiqua un nouveau mouvement au peuple, déjà si agité. Les districts, les municipalités, les sociétés populaires, écrivirent des adresses, on leva des hommes, on fit des dons volontaires, on forgea des piques, et la nation sembla se lever pour attendre l’Europe, ou pour l’envahir. Mais l’enthousiasme, qui en fin de compte donne la victoire, ne supplée pas d’abord à l’organisation. Aussi n’y avait-il, à l’ouverture