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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

forcées, par Stenai, Sedan, Mézières et Givet. Mais ce plan supposait aux soldats une habitude qu’ils n’avaient point encore, et il exigeait un concert bien difficile de la part des chefs. D’ailleurs, les colonnes d’invasion n’étaient pas assez fortes pour une pareille entreprise. À peine Théobald Dillon eut-il dépassé la frontière et rencontré l’ennemi, le 28 avril, qu’une terreur panique s’empara de ses troupes. On cria dans les rangs, sauve qui peut ! et il fut entraîné par les siens, qui le massacrèrent. La même chose eut lieu, et avec les mêmes circonstances, dans le corps de Biron, qui fut également obligé de se retirer en désordre sur ses anciennes positions. Cette fuite subite et commune aux deux colonnes doit être attribuée ou à la crainte de l’ennemi de la part de troupes qui n’avaient pas encore vu le feu, ou à la défiance qu’inspiraient les chefs, ou à des malveillants qui criaient à la trahison.

Lafayette, en arrivant à Bouvines, après avoir fait cinquante lieues en quelques jours et par de mauvais chemins, apprit les désastres de Valenciennes et de Lille ; il vit que le but de l’invasion était manqué ; et il pensa avec raison qu’il n’y avait rien de mieux à faire que d’opérer la retraite. Rochambeau se plaignait de la précipitation et du décousu des mesures qui lui avaient été prescrites de la manière la plus absolue. Comme il ne voulait pas rester une pièce passive, obligé de jouer au gré des ministres une partie dont il devait avoir la conduite, il donna sa démission. Depuis ce moment, notre armée reprit la défensive. La frontière ne fut plus divisée qu’en deux commandements généraux, dont l’un, confié à Lafayette, s’étendit de la mer à Longwy, et dont l’autre, de la Moselle au Jura, appartint à Luckner. Lafayette mit la gauche de son armée sous les ordres d’Arthur Dillon, et toucha par sa droite à Luckner, qui eut Biron pour lieutenant sur le Rhin. C’est dans cet état qu’on attendit les coalisés.

Cependant les premiers échecs augmentèrent la désunion des Feuillants et des Girondins. Les généraux en attribuaient la cause au plan de Dumouriez. Le ministère la rejetait sur la