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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

que, lorsque la crise deviendrait imminente, l’assemblée le déclarerait par ces mots : la patrie est en danger, et qu’alors on prendrait des mesures de salut public. La discussion s’ouvrit sur cette proposition importante. Vergniaud peignit, dans un discours qui ébranla profondément l’assemblée, tous les périls auxquels, dans ce moment, la patrie était exposée. Il dit que c’était au nom du roi que les émigrés étaient réunis, que les souverains s’étaient confédérés, que les armées étrangères marchaient sur nos frontières, que les troubles intérieurs avaient lieu. Il l’accusa d’arrêter l’élan national par ses refus, et de livrer ainsi la France à la coalition. Il cita l’article de la constitution par lequel il était déclaré que, si le roi se mettait à la tête d’une armée et en dirigeait les forces contre la nation, ou s’il ne s’opposait pas par un acte formel à une pareille entreprise qui s’exécuterait en son nom, il serait censé avoir abdiqué la royauté. Mettant alors en supposition que Louis XVI s’opposait volontairement aux moyens de défendre la patrie, dans ce cas, disait-il, ne serions-nous pas en droit de lui dire : « O roi ! qui sans doute avez cru, avec le tyran Lysandre, que la vérité ne valait pas mieux que le mensonge, et qu’il fallait amuser les hommes par des serments comme on amuse des enfants avec des osselets ; qui n’avez feint d’aimer les lois que pour conserver la puissance qui vous servirait à les braver, la constitution que pour qu’elle ne vous précipitât pas du trône, où vous aviez besoin de rester pour la détruire, pensez-vous nous abuser par d’hypocrites protestations ? pensez-vous nous donner le change sur nos malheurs par l’artifice de vos excuses ? Était-ce nous défendre que d’opposer aux soldats étrangers des forces dont l’infériorité ne laissait pas même d’incertitude sur leur défaite ? était-ce nous défendre que d’écarter les projets tendant à fortifier l’intérieur ? était-ce nous défendre que de ne pas réprimer un général qui violait la constitution, et d’enchaîner le courage de ceux qui la servaient ? La constitution vous laissa-t-elle le choix des ministres pour notre bonheur, ou notre ruine ? vous fit-elle