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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/166

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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Paris à une exécution militaire et à une subversion totale. Il promettait, au contraire, aux habitants de Paris l’emploi des bons offices des princes confédérés auprès de Louis XVI, afin d’obtenir le pardon de leurs torts ou de leurs erreurs, s’ils obéissaient promptement aux ordres de la coalition.

Ce fougueux et impolitique manifeste, qui ne déguisait ni les desseins de l’émigration, ni ceux de l’Europe ; qui traitait tout un grand peuple avec un ton de commandement et de mépris vraiment extraordinaire ; qui lui annonçait ouvertement toutes les misères d’une invasion, et par-dessus, le despotisme et des vengeances, excita un soulèvement national. Plus que toute autre chose, il hâta la chute du trône, et empêcha les succès de la coalition. Il n’y eut qu’un vœu, qu’un cri de résistance d’un bout de la France à l’autre ; et quiconque ne l’eût pas partagé eût été regardé comme coupable d’impiété envers la patrie et la sainte cause de son indépendance. Le parti populaire, placé dans la nécessité de vaincre, ne vit plus alors d’autre moyen que d’annuler le roi, et, pour l’annuler, que de faire prononcer sa déchéance. Mais, dans ce parti, chacun voulut arriver au but à sa manière : la Gironde, par décret de l’assemblée ; les chefs de la multitude, à l’aide de l’insurrection. Danton, Robespierre, Camille-Desmoulins, Fabre-d’Églantine, Marat, etc., formaient une faction déplacée, à laquelle il fallait une révolution qui la portât du milieu du peuple dans l’assemblée et dans la municipalité. Ils étaient du reste les véritables chefs du nouveau mouvement qui allait se faire, au moyen de la classe inférieure de la société, contre la classe moyenne, à laquelle appartenaient les Girondins par leur position et leurs habitudes. La division commença dès ce jour entre ceux qui ne voulaient supprimer que la cour dans l’ordre des choses actuel, et ceux qui voulaient y introduire la multitude. Ces derniers ne s’accommodaient pas des lenteurs d’une discussion. Agités de toutes les passions révolutionnaires, ils se disposèrent à une attaque par les armes, dont ils firent les préparatifs ouvertement et longtemps à l’avance.

Leur entreprise fut plusieurs fois projetée et suspendue.