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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

était un jeu où le vainqueur, s’il en avait besoin, gagnait la vie du vaincu. Le salut de son parti passait pour lui avant la loi, avant même l’humanité : c’est ce qui explique ses attentats après le 10 août, et son retour à la modération quand il crut la république affermie.

À cette époque, les Prussiens, s’avançant dans l’ordre d’invasion qui a été précédemment indiqué, franchirent la frontière après vingt jours de marche. L’armée de Sedan était sans chef, et incapable de résister à des forces aussi supérieures et aussi bien organisées. Le 20 août, Longwy fut investi par les Prussiens ; le 21, il fut bombardé ; et le 24, il capitula. Le 30, l’armée ennemie arriva devant Verdun, l’investit, et en commença le bombardement. Verdun pris, la route de la capitale était ouverte. La prise de Longwy, l’approche d’un si grand danger, jetèrent Paris dans le plus grand état d’agitation et d’alarme. Le conseil exécutif, composé des ministres, fut appelé au comité de défense générale pour délibérer sur les moyens les plus sûrs à prendre dans d’aussi périlleuses conjonctures. Les uns voulaient attendre l’ennemi sous les murs de la capitale, les autres se retirer à Saumur. « Vous n’ignorez pas, dit Danton, lorsque son tour de parler fut venu, que la France est dans Paris ; si vous abandonnez la capitale à l’étranger, vous vous livrez, et vous lui livrez la France. C’est dans Paris qu’il faut se maintenir par tous les moyens ; je ne puis adopter le plan qui tend à vous en éloigner. Le second projet ne me paraît pas meilleur. Il est impossible de songer à combattre sous les murs de la capitale : le 10 août a divisé la France en deux partis, dont l’un est attaché à la royauté, et l’autre veut la république. Celui-ci, dont vous ne pouvez vous dissimuler l’extrême minorité dans l’état, est le seul sur lequel vous puissiez compter pour combattre. L’autre se refusera à marcher ; il agitera Paris en faveur de l’étranger, tandis que vos défenseurs, placés entre deux feux, se feront tuer pour le repousser. S’ils succombent, comme cela ne me paraît pas douteux, la perte de la France et la vôtre sont certaines : si, contre toute attente, ils reviennent