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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

lait pas... parce que les présidents des quarante-huit sections attendaient des réquisitions que le commandant général ne fit point ; parce que des officiers municipaux, couverts de leurs écharpes, présidaient à ces atroces exécutions. — Mais l’assemblée législative ? — L’assemblée législative ! représentants du peuple, vous la vengerez ! L’impuissance où vos prédécesseurs étaient réduits est, à travers tant de crimes, le plus grand de ceux dont il faut punir les forcenés que je vous dénonce. » Et revenant à Robespierre, Louvet signala son ambition, ses menées, son extrême ascendant sur la populace, et termina cette fougueuse philippique par une série de faits dont chacun était précédé de cette terrible formule : Robespierre, je t’accuse.

Louvet descendit de la tribune au milieu des applaudissements ; Robespierre y monta pour se justifier, pâle et accompagné de murmures. Soit trouble, soit crainte des préventions, il demanda huit jours. Le moment arrivé, il parut moins en accusé qu’en triomphateur ; il repoussa avec ironie les reproches de Louvet, se livra à une longue apologie de lui-même. Il faut convenir que les faits étant vagues, il eut peu de peine à les atténuer ou à les détruire. Les tribunes étaient postées pour l’applaudir ; la convention elle-même, qui voyait dans cette accusation une querelle d’amour-propre, et qui ne redoutait point, selon Barrère, un homme d’un jour, un petit entrepreneur d’émeutes, était disposée à mettre fin à ces débats. Aussi, lorsque Robespierre dit, en terminant : « Pour moi, je ne prendrai aucunes conclusions personnelles ; j’ai renoncé au facile avantage de répondre aux calomnies de mes adversaires par des dénonciations plus redoutables ; j’ai voulu supprimer la partie offensive de ma justification. Je renonce à la juste vengeance que j’aurais le droit de poursuivre contre mes calomniateurs ; je n’en demande point d’autre que le retour de la paix et le triomphe de la liberté ! » Il fut applaudi, et la convention passa à l’ordre du jour. Vainement Louvet voulut répliquer, et il ne put pas l’obtenir ; Barbaroux s’offrit tout aussi vainement pour accusateur, et