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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

tres idées que celles qui lui étaient communiquées par les prêtres, et n’avait pas séparé ses intérêts de ceux de la noblesse. Ces hommes simples, robustes et dévoués à l’ancien ordre de choses, ne comprenaient rien à une révolution qui était le résultat de croyances et de besoins entièrement étrangers à leur situation. Les nobles et les prêtres, se trouvant en force dans ce pays, n’avaient point émigré ; et c’était là vraiment qu’existait le parti de l’ancien régime, parce que là se trouvaient ses doctrines et sa société. Il fallait, tôt ou tard, que la France et la Vendée, pays si différents, et qui n’avaient de commun que la langue, entrassent en guerre ; il fallait que les deux fanatismes de la monarchie et de la souveraineté populaire, du sacerdoce et de la raison humaine, levassent leurs bannières l’un contre l’autre, amenassent le triomphe de l’ancienne ou de la nouvelle civilisation.

Des troubles partiels avaient eu lieu, à plusieurs reprises, dans la Vendée. En 1792, le comte de la Rouairie avait préparé un soulèvement général qui n’avait pas réussi, à cause de sa propre arrestation ; mais tout était encore disposé pour une insurrection, lorsqu’on exécuta le recrutement des trois cent mille hommes. Cette levée en devint le signal. Les réquisitionnaires battirent la gendarmerie à Saint-Florens, et prirent d’abord pour chefs, sur divers points, le voiturier Cathelineau, l’officier de marine Charette et le garde-chasse Stofflet. Avec des secours en armes et en argent fournis par l’Angleterre, l’insurrection gagna en peu de temps tout le pays ; neuf cents communes se soulevèrent au son du tocsin ; et alors les chefs nobles, Bonchamps, Lescure, La Rochejacquelin, d’Elbée, Talmont, se joignirent aux autres. Les troupes de ligne et les bataillons de gardes nationales qui marchèrent contre les insurgés, furent battus. Le général Marcé fut culbuté à Saint-Vincent par Stofflet ; le général Gauvilliers, à Beaupréau, par d’Elbée et Bonchamps ; le général Quetineau, aux Aubiers, par La Rochejacquelin ; et le général Ligonnier, à Cholet. Les Vendéens, devenus maîtres de Châtillon, de Bressuire, de Vihiers, songèrent, avant de pousser leurs avantages