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CONVENTION NATIONALE.

dès lors ce qui se montra plus tard, le ralentissement de l’action révolutionnaire, les attaques redoublées de l’Europe, la reprise d’armes de la part de tous les partis, les journées de prairial, sans pouvoir repousser la multitude ; les journées de vendémiaire, sans pouvoir repousser les royalistes, l’invasion des coalisés, et, d’après la politique d’usage à cette époque, le morcellement de la France. La république n’était pas assez puissante pour suffire à tant d’attaques, comme elle fit après la réaction de thermidor.

Quoi qu’il en soit, les Girondins, qui auraient dû ou demeurer ou combattre ensemble, ne le firent point, et, après le 2 juin, tous les hommes modérés du parti restèrent sous le décret d’arrestation ; tous les autres s’évadèrent. Vergniaud, Gensonné, Ducos, Fonfrède, etc., furent au nombre des premiers : Pétion, Barbaroux, Guadet, Louvet, Buzot, Lanjuinais, au nombre des seconds. Ils se rendirent à Évreux dans le département de l’Eure, où Buzot avait beaucoup de crédit, et de là à Caen, dans le Calvados. Ils firent de cette ville le centre de l’insurrection. La Bretagne ne tarda pas à y prendre part. Les insurgés, sous le nom d’assemblée des départements réunis à Caen, formèrent une armée, nommèrent le général Wimpfen pour la commander, arrêtèrent les Montagnards Romme et Prieur de la Marne, commissaires de la convention, et disposèrent tout pour marcher sur Paris. Ce fut de là que partit une jeune, belle et courageuse fille, Charlotte Corday, pour punir Marat, le principal auteur du 31 mai et du 2 juin : elle crut sauver la république, en se dévouant pour elle. Mais la tyrannie ne tenait pas à un homme ; elle tenait à un parti et à la situation violente de la république. Charlotte Corday, après avoir exécuté son généreux mais inutile dessein, mourut avec une sérénité inaltérable, un courage modeste et la satisfaction d’avoir bien fait[1]. Mais Marat assassiné devint pour la multi-

  1. Voici quelques-unes des réponses de cette fille héroïque devant le tribunal révolutionnaire : « Quelles étaient vos intentions en tuant Marat ? — De faire cesser les troubles de la France. — Y avait-il longtemps que vous aviez formé ce projet ? — Depuis l’affaire du 31 mai, jour de la proscription des députés du peuple. — C’est donc dans les journaux que vous avez appris que Marat était un anarchiste ? — Oui, je savais qu’il pervertissait la France... J’ai tué, ajouta-t-elle en élevant extrêmement la voix, un homme pour en sauver cent mille ; un scélérat, pour sauver des innocents ; une bête féroce, pour donner le repos à mon pays. J’étais républicaine avant la révolution, et je n’ai jamais manqué d’énergie. »