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INTRODUCTION.

la noblesse s’était réunie au tiers-état, plus contre le gouvernement qu’en faveur du peuple. Chacun de ces corps avait demandé les états-généraux, dans l’espoir, le parlement de les dominer comme en 1614, et la noblesse de reprendre son influence perdue. Aussi la magistrature proposa-t-elle pour modèle des états-généraux de 1789 la forme de ceux de 1614, et l’opinion l’abandonna ; la noblesse se refusa-t-elle à la double représentation du tiers, et la division éclata entre ces deux ordres.

Cette double représentation était réclamée par les lumières de l’époque, par la nécessité des réformes, par l’importance qu’avait acquise le tiers-état. Elle avait été déjà admise dans les assemblées provinciales. Brienne, avant de quitter le ministère, ayant fait un appel aux écrivains, afin de savoir quel devait être le mode le plus convenable de composition et de tenue pour les états-généraux, on avait vu paraître, au nombre des ouvrages favorables au peuple, la célèbre brochure de Sièyes sur le tiers-état, et celle de d’Entraigues sur les états-généraux. L’opinion se déclarant chaque jour davantage, Necker, voulant la satisfaire, et ne l’osant pas, désireux de concilier tous les ordres, d’obtenir toutes les approbations, convoqua une seconde assemblée des notables le 6 novembre 1788, pour délibérer sur la composition des états-généraux et sur l’élection de leurs membres. Il croyait lui faire accepter le doublement du tiers ; mais elle le refusa, et il fut obligé de décider malgré les notables ce qu’il aurait dû décider sans eux. Necker ne sut pas éviter les contestations en résolvant toutes les difficultés d’avance. Il ne prit pas l’initiative sur le doublement du tiers, comme dans la suite il ne la prit pas sur le vote par ordre ou par tête. Lorsque les états-généraux furent assemblés, la solution de cette seconde question, d’où dépendait le sort du pouvoir et celui du peuple, fut abandonnée à la force.

Quoi qu’il en soit, Necker, n’ayant pas pu faire adopter le doublement du tiers par les notables, le fit adopter par le conseil. La déclaration royale du 27 novembre arrêta que les