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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Nord Joseph Lebon, le protégé de Robespierre. L’extermination en masse contre les ennemis de la dictature démocratique, qui avait déjà été pratiquée à Lyon et à Toulon par des mitraillades, devint plus horrible encore par les noyades de Nantes, par les échafauds d’Arras, de Paris et d’Orange.

Puisse cet exemple apprendre une vérité, qui, pour le bien des hommes, a besoin de devenir commune, c’est qu’en révolution tout dépend d’un premier refus et d’une première lutte ! Pour qu’une innovation soit pacifique, il faut qu’elle ne soit pas contestée : sinon, la guerre se déclare et la révolution s’étend, parce que le peuple entier s’ébranle pour la défendre. Lorsque la société est ainsi remuée dans ses fondements, ce sont les hommes les plus audacieux qui triomphent, et, au lieu des réformateurs sages et modérés, on n’a plus que des réformateurs extrêmes et inflexibles. Nés de la lutte, ils veulent se soutenir par elle : d’une main, ils combattent pour défendre leur domination ; de l’autre, ils fondent leur système pour la consolider : ils tuent au nom de leur salut, ils tuent au nom de leurs doctrines : la vertu, l’humanité, le bien du peuple, tout ce qu’il y a de plus saint sur la terre, ils l’emploient à motiver leurs exécutions, à protéger leur dictature. Jusqu’à ce qu’ils s’usent et qu’ils tombent, tout périt pêle-mêle, et les ennemis et les partisans des réformes ; la tempête emporte et brise une nation entière contre une révolution. Qu’on cherche ce qu’étaient devenus en 1794, les hommes de 1789, et on les verra entraînés également dans ce grand naufrage. Dès qu’un parti se fut présenté sur le champ de bataille, il y appela tous les autres, et tous les autres, comme lui, y furent tour à tour vaincus et exterminés, et les Constitutionnels, et les Girondins, et les Montagnards, et les décemvirs eux-mêmes. À chaque défaite, l’effusion du sang devint plus grande, et le système de la tyrannie plus violent. Les décemvirs furent les plus impitoyables, parce qu’ils furent les derniers.

Le comité de salut public, en butte aux attaques de l’Europe et à la haine de tant de partis vaincus, pensa que le ra-