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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

et de la manière dont je m’y prendrai ; va, les hommes qui aiment la patrie s’entendent facilement pour faire tourner tous leurs pas au profit de la chose publique. J’aurais voulu et je voudrais que le secret de l’opération fût dans nos deux têtes ; les méchants n’en sauraient rien. Salut et fraternité. »

Saint-Just était en mission auprès de l’armée du Nord ; Robespierre le rappela en toute hâte. En attendant son retour, il prépara les esprits aux Jacobins. Dans la séance du 3 thermidor, il se plaignit de la conduite des comités et de la persécution des patriotes, qu’il jura de défendre. « Il ne faut plus, dit-il, qu’il reste aucune trace de faction ou de crime en quelque lieu que ce soit. Quelques scélérats déshonorent la convention, mais sans doute elle ne se laissera pas opprimer par eux. » Il engagea ensuite ses collègues les Jacobins à présenter leurs réflexions à l’assemblée nationale. C’était la marche du 31 mai. Le 4, il reçut une députation du département de l’Aisne, qui vint se plaindre à lui des opérations du gouvernement auxquelles il était étranger depuis plus d’un mois. « La convention, lui répondit Robespierre, dans la situation où elle est, gangrenée par la corruption et hors d’état de s’y soustraire, ne peut plus sauver la république ; toutes deux périront. La proscription des patriotes est à l’ordre du jour. Pour moi, j’ai mis un pied dans la tombe ; dans peu de jours j’y mettrai l’autre. Le reste est entre les mains de la Providence. » Il était un peu malade à cette époque, et il exagérait à dessein son découragement, ses craintes et les dangers de la république, pour enflammer les patriotes et rattacher la destinée de la révolution à la sienne.

Sur ces entrefaites, Saint-Just arriva de l’armée. Il fut instruit par Robespierre de l’état des choses. Il se présenta aux comités, dont les membres le reçurent d’une manière froide ; toutes les fois qu’il entra, ils cessèrent de délibérer. Saint-Just, qui, à leur silence, à quelques mots échappés, à l’embarras ou à l’inimitié de leurs visages, comprit qu’il ne fallait pas perdre de temps, pressa Robespierre d’agir. Sa maxime