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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

abattu, il retourne à sa place et tombe sur son siège, épuisé de fatigue et de colère. Sa bouche écume, sa voix s’épaissit. « Malheureux, lui dit un Montagnard, le sang de Danton t’étouffe ! » On demande son arrestation. Elle est appuyée de toutes parts. Robespierre jeune se lève. « Je suis aussi coupable que mon frère, dit-il ; je partage ses vertus, je veux partager son sort. — Je ne veux pas m’associer à l’opprobre de ce décret, ajoute Lebas ; je demande aussi mon arrestation. » L’assemblée décrète à l’unanimité l’arrestation des deux Robespierre, de Couthon, de Lebas et de Saint-Just. Ce dernier, après être longtemps resté à la tribune maître de sa figure, était descendu à sa place avec calme : il y avait soutenu ce long orage sans en paraître troublé. Les triumvirs furent livrés à la gendarmerie, qui les emmena aux acclamations générales. Robespierre sortit en disant : « La république est perdue ; les brigands triomphent ! » Il était cinq heures et demie ; la séance fut suspendue jusqu’à sept heures.

Pendant cette orageuse lutte, les complices des triumvirs s’étaient réunis à la commune et aux Jacobins. Le maire Fleuriot, l’agent national Payan, le commandant Henriot étaient à l’Hôtel-de-Ville depuis midi. Ils avaient convoqué les officiers municipaux au son de la caisse, espérant que Robespierre serait vainqueur dans l’assemblée et qu’ils n’auraient besoin ni du conseil général pour décréter l’insurrection, ni des sections pour la soutenir. Peu d’heures après, un huissier de la convention étant venu ordonner au maire de se présenter à la barre pour y rendre compte de l’état de Paris : « Va dire à tes scélérats, lui répondit Henriot, que nous délibérons ici pour les purger. N’oublie pas de dire à Robespierre qu’il soit ferme et qu’il n’ait pas peur ! » Vers quatre heures et demie on apprit l’arrestation des triumvirs et le décret contre leurs complices. Aussitôt, on fit sonner le tocsin, fermer les barrières, assembler le conseil général, réunir les sectionnaires. Les canonniers reçurent l’ordre de se porter avec leurs pièces à la commune, et les comités révolutionnaires d’y prêter le serment de l’insurrection. On envoya un message aux Jaco-