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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

tance. Dans la guerre à mort de l’émigration et de la république, les vaincus furent traités comme étant hors la loi, et impitoyablement massacrés. Leur perte fut une plaie profonde et incurable pour l’émigration.

Les espérances fondées sur les victoires de l’Europe, sur les progrès de l’insurrection et la tentative des émigrés, se trouvant renversées, on recourut aux sections mécontentes. On espéra faire la contre-révolution au moyen de la constitution nouvelle décrétée par la convention le 22 août 1795. Cette constitution était cependant l’œuvre du parti modéré républicain. Mais comme elle redonnait l’ascendant à la classe moyenne, les meneurs royalistes crurent entrer facilement par elle dans le corps législatif et dans le gouvernement.

Cette constitution était la meilleure, la plus sage, la plus libérale et la plus prévoyante qu’on eût encore établie ou projetée : elle était le résultat de six années d’expérience révolutionnaire et législative. La convention éprouvait à cette époque le besoin d’organiser le pouvoir, et de rasseoir le peuple, à la différence de la première assemblée, qui, par sa situation, n’avait ressenti que le besoin d’affaiblir la royauté et de remuer la nation. Tout avait été usé depuis le trône jusqu’au peuple : il fallait vivre aujourd’hui en reconstruisant, et rétablir l’ordre tout en conservant un immense exercice à la nation. C’est ce que fit la constitution nouvelle. Elle s’éloigna peu de celle de 1791, quant à l’exercice de la souveraineté ; mais elle en différa beaucoup dans tout ce qui est relatif au gouvernement. Elle plaça le pouvoir législatif dans deux conseils : celui des cinq-cents et celui des anciens ; le pouvoir exécutif, dans un directoire de cinq membres. Elle rétablit les deux degrés d’élections destinés à ralentir le mouvement populaire, et à donner des choix plus éclairés que les élections immédiates. Des conditions de propriété, sages mais bornées, pour être membre des assemblées primaires et des assemblées électorales, redonnèrent l’importance politique à la classe moyenne, à laquelle il fallait forcément revenir après le licenciement de la multitude et l’abandon de la constitution de 93.