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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

la situation, il se trouva placé d’une manière équivoque ; il voulait la paix dans un moment de guerre, et la loi dans un moment de coups d’état.

Les conseils, un peu alarmés des préparatifs du directoire, parurent mettre leur accommodement au prix du renvoi de quelques ministres qui n’avaient pas leur confiance. Ces ministres étaient celui de la justice, Merlin de Douai ; celui des relations extérieures, Lacroix ; celui des finances, Ramel. Ils désiraient, au contraire, le maintien de Pétiet à la guerre, de Bénésech à l’intérieur, de Cochon de l’Apparent à la police. À défaut du pouvoir directorial, le corps législatif voulait s’assurer du ministère. Loin de se rendre à ce vœu, qui eût introduit l’ennemi dans le gouvernement, Rewbell, Larévellière et Barras destituèrent les ministres protégés par les conseils et conservèrent les autres. Bénésech fut remplacé par François de Neufchâteau ; Pétiet par Hoche, et bientôt par Schérer ; Cochon de l’Apparent par Lenoir-Laroche ; et Lenoir-Laroche, trop peu décidé, par Sotin. Talleyrand fit également partie de ce ministère. Il avait été rayé de la liste des émigrés depuis la fin de la session conventionnelle, comme révolutionnaire de 1791 ; et son immense perspicacité, qui le plaça toujours dans le parti qui avait les plus grandes promesses de victoire, le rendit à cette époque républicain directorial. Il eut le portefeuille de Lacroix, et il contribua beaucoup, par ses conseils et par sa hardiesse, aux événements de fructidor.

La guerre parut alors de plus en plus inévitable. Le directoire ne voulait pas d’un accommodement qui eût ajourné tout au plus sa ruine et celle de la république aux élections de l’an VI. Il fit venir contre les conseils des adresses foudroyantes des armées. Bonaparte avait suivi d’un œil inquiet les événements qui se préparaient à Paris. Quoique lié avec Carnot, et en correspondance directe avec lui, il avait envoyé son aide-de-camp Lavalette pour qu’il l’instruisît des divisions qui existaient dans le gouvernement, des intrigues et des conspirations dont il était entouré. Bonaparte avait promis au directoire l’appui de son armée, dans le cas où il se trouverait en danger