Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
382
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

à vous décider, si vous aimez la république. Vous êtes dans l’impuissance de faire le bien ; vous n’aurez jamais ni la confiance de vos collègues, ni celle du peuple, ni celle des représentants, sans laquelle vous ne pouvez faire exécuter les lois. Déjà, je le sais, grâce à la constitution, il existe dans le directoire une majorité qui jouit de la confiance du peuple et de celle de la représentation nationale. Qu’attendez-vous pour mettre l’unanimité de vœux et de principes entre les deux premières autorités de la république ? Vous n’avez plus même la confiance de ces vils flatteurs qui ont creusé votre tombeau politique. Terminez votre carrière par un acte de dévouement, que le bon cœur des républicains saura seul apprécier. »

Merlin et Larévellière, privés de l’appui du gouvernement par la sortie de Rewbell, la destitution de Treilhard et l’abandon de Barras, pressés par l’exigence des conseils et par des motifs patriotiques, cédèrent aux circonstances et se démirent de l’autorité directoriale. Cette victoire, que remportèrent les républicains et les modérés réunis, tourna au profit des uns et des autres. Les premiers introduisirent le général Moulins dans le directoire ; les seconds y firent entrer Roger-Ducos. La journée du 30 prairial (18 juin), qui désorganisa l’ancien gouvernement de l’an III, fut de la part des conseils la revanche du 18 fructidor et du 22 floréal contre le directoire. À cette époque, les deux grands pouvoirs de l’état avaient violé, chacun à son tour, la constitution : le directoire, en décimant la législature ; la législature, en expulsant le directoire. Cette forme de gouvernement, dont tous les partis avaient à se plaindre, ne pouvait avoir une existence prolongée.

Après le succès du 30 prairial, Sièyes travailla à détruire ce qui restait encore du gouvernement de l’an III, afin de rétablir sur un autre plan le régime légal. C’était un homme d’humeur et de système, mais qui avait un sentiment sûr des situations. Il rentrait dans la révolution à une époque singulière, avec le dessein de la fermer par une constitution définitive. Après avoir coopéré aux principaux changements de 1789,