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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

directoire. Cambacérès avait la justice ; Quinette, l’intérieur ; Reinhard, placé là momentanément pendant l’interrègne ministériel de Talleyrand, les relations extérieures ; Robert Lindet, les finances ; Bourdon (de Vatry), la marine ; Bernadotte, la guerre ; Bourguignon, bientôt remplacé par Fouché (de Nantes), la police.

Cette fois, Barras était neutre entre les deux moitiés de la législature, du directoire et du ministère. Voyant que les choses allaient à un changement plus considérable que celui du 30 prairial, ex-noble, il crut que le dépérissement de la république entraînerait la restauration des Bourbons, et il traita avec le prétendant Louis XVIII. Il paraît qu’en négociant le rétablissement de la monarchie par son agent David Monnier, il ne s’oublia pas lui-même. Barras ne tenait à rien avec conviction, et se déclarait toujours pour le parti qui avait les plus grandes chances de victoire. Après avoir été montagnard démocrate, au 31 mai ; montagnard réactionnaire, au 9 thermidor ; directeur révolutionnaire contre les royalistes, au 18 fructidor ; directeur républicain extrême contre ses anciens collègues, au 30 prairial, il devenait aujourd’hui directeur royaliste contre le gouvernement de l’an III.

La faction déconcertée par le 18 fructidor et la paix du continent avait aussi repris courage. Les succès militaires de la nouvelle coalition, la loi de l’emprunt forcé, et celle des otages, qui forçait chaque famille d’émigrés de donner des garanties au gouvernement, avaient fait reprendre les armes aux royalistes du Midi et de l’Ouest. Ils reparaissaient par bandes, qui devenaient de jour en jour plus redoutables, et qui recommençaient la petite mais désastreuse guerre de la chouanerie. Ils attendaient l’arrivée des Russes, et croyaient à la restauration prochaine de la monarchie. Ce moment était celui d’une nouvelle candidature pour tous les partis. Chacun d’eux aspirait à l’héritage de la constitution agonisante, comme on l’avait vu à la fin de la session conventionnelle. En France, on est averti, par une sorte d’odorat politique, qu’un gouvernement se meurt, et tous les partis vont à la curée.