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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

dans la crainte de la terreur ; et les républicains extrêmes, ayant voulu faire déclarer la patrie en danger, comme à la fin de la législative, ne purent pas y réussir. Mais Sièyes, après avoir perdu Joubert, cherchait un général qui pût entrer dans ses desseins, et qui protégeât la république sans en devenir l’oppresseur. Hoche était mort depuis plus d’un an ; Moreau avait laissé planer des soupçons sur lui par sa conduite équivoque envers le directoire avant le 18 fructidor et par la dénonciation subite de son ancien ami Pichegru, dont il avait caché la trahison pendant une année ; Masséna n’était point un général politique ; Bernadotte et Jourdan étaient dévoués au parti du Manége : Sièyes se trouvait dans cette pénurie, et ajournait son coup d’état, faute d’un homme.

Bonaparte avait appris en Orient, par son frère Lucien et quelques autres amis, l’état des affaires en France et le déclin du gouvernement directorial. Son expédition avait été brillante, mais sans résultat. Après avoir battu les Mameloucks, et ruiné leur domination dans la basse et dans la haute Égypte, il s’était avancé en Syrie ; mais le mauvais succès du siége de Saint-Jean-d’Acre l’avait contraint de retourner dans sa première conquête. C’est là qu’après avoir défait une armée ottomane sur le rivage d’Aboukir, si fatal une année auparavant à la flotte française, il se décida à quitter cette terre de déportation et de renommée, pour faire servir à son élévation la nouvelle crise de la France. Il laissa le général Kléber pour commander l’armée d’Orient, et traversa, sur une frégate, la Méditerranée couverte de vaisseaux anglais. Il débarqua à Fréjus le 17 vendémiaire an VIII (9 octobre 1799), dix-neuf jours après la bataille de Berghen, remportée par Brune sur les Anglo-Russes du duc d’York, et quatorze jours après celle de Zurich, remportée par Masséna sur les Austro-Russes de Korsakof et de Souvarow. Il parcourut la France, des côtes de la Méditerranée à Paris, en triomphateur. Son expédition, presque fabuleuse, avait surpris et occupé les imaginations, et avait encore ajouté à sa renommée, déjà si grande par la conquête de l’Italie. Ces deux entreprises l’avaient mis hors