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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

prendre, et le conduisirent au pied de l’autel pour y être sacré. Le pape lui fit une triple onction sur la tête et sur les deux mains, et il prononça l’oraison suivante : « Dieu tout-puissant, qui avez établi Hazaël pour gouverner la Syrie, et Jéhu roi d’Israël, en leur manifestant vos volontés par l’organe du prophète Élie ; qui avez également répandu l’onction sainte des rois sur la tête de Saül et de David par le ministère du prophète Samuel, répandez par mes mains les trésors de vos grâces et de vos bénédictions sur votre serviteur Napoléon, que, malgré notre indignité personnelle, nous consacrons aujourd’hui empereur en votre nom. » Le pape le ramena solennellement à son trône, et, après qu’il eut prêté sur l’Évangile le serment prescrit par la nouvelle constitution, le chef des hérauts d’armes cria d’une voix forte : Le très glorieux et le très auguste empereur des Français est couronné et intronisé ! vive l’empereur ! L’église retentit aussitôt du même cri, il y eut une salve d’artillerie, et le pape entonna le Te Deum. Pendant plusieurs jours les fêtes se multiplièrent : mais ces fêtes commandées, ces fêtes du pouvoir absolu, ne respiraient point cette joie vive, franche, populaire, unanime, de la première fédération du 14 juillet ; et quelque affaissée que fût la nation, elle ne salua point le début du despotisme comme elle avait salué celui de la liberté.

Le consulat fut la dernière période de l’existence de la république. La révolution commença à se faire homme. Pendant la première époque du gouvernement consulaire, Bonaparte s’attacha les classes proscrites en les rappelant ; il trouva un peuple encore agité de toutes les passions, qu’il ramena au calme par le travail, au bien-être par le rétablissement de l’ordre ; enfin, il força l’Europe, une troisième fois vaincue, à reconnaître son élévation. Jusqu’au traité d’Amiens, il rappela dans la république la victoire, la concorde, le bien-être, sans sacrifier la liberté. Il pouvait alors, s’il avait voulu, se faire le représentant de ce grand siècle, qui réclamait la consécration d’une égalité bien entendue, d’une liberté sage,