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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

dont ses propres habitants ne firent qu’un désert, et, pour assouvir la vengeance du sultan Mahmoud, le vénérable patriarche de Constantinople, quatre-vingts prêtres avec lui, et une multitude de Grecs avaient péri égorgés dans cette capitale, et livrés à d’ignominieux supplices. Le cœur d’Alexandre ne s’émeut pas pour ses frères : les Klephtes des montagnes, les Grecs de la Moldavie et de la Valachie espèrent en lui, et courent aux armes à la voix des Botzaris, de Maurocordato, d’Ipsilanti ; vaincus par le nombre, ils succombent presque tous ; le brave Ipsilanti, après des actions héroïques pour la croix et la liberté, touche le sol autrichien ; il est jeté dans les cachots, et il n’en sort au bout de quatre ans que pour mourir.

Telle était l’interprétation que les souverains absolus donnaient à la sainte alliance, tandis que la France supportait, avec une résignation douloureuse, les fatales conséquences des élections de 1819 et du tragique événement de février 1820. M. de Richelieu avait soutenu et fait adopter les projets de loi présentés par M. Decazes, et dont l’un suspendait la liberté individuelle, tandis que l’autre rétablissait la censure des journaux. En repoussant le premier projet, le général Foy fit entendre ces paroles éloquentes : « Faisons, dit-il, que le profit d’une mort sublime ne soit pas perdu pour la maison royale et pour la morale publique, que la postérité ne puisse pas nous reprocher qu’aux funérailles d’un Bourbon la liberté des citoyens fut immolée pour servir d’hécatombe. » Ses efforts furent impuissants, les chambres votèrent les deux lois, ainsi que celle qui transmettait, de la classe moyenne à l’aristocratie, la haute influence dans les élections. Cette dernière loi établissait deux collèges, l’un d’arrondissement, où cent écus d’imposition donnaient le droit de voter ; l’autre de département, où n’étaient admis que les imposés à mille francs ; ceux-ci votaient dans l’un et l’autre collège. Le nombre des membres de la chambre des députés fut porté à quatre cent trente, dont deux cent soixante nommés par les collèges d’arrondissement, et cent soixante-dix par les collèges départementaux. Cette loi, soutenue par M. de Serres mourant, et vivement combattue