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RÉVOLUTION DE 1830.

un reste de fermeté dans l’âme de ses serviteurs, et de leur arracher toute espérance, en paraissant désespérer lui-même de sa fortune. Il y avait eu de sa part, dans les derniers actes de son règne, une illusion étrange, une faute immense, mais il y avait aussi de la majesté dans le regard serein du vieux monarque, ferme encore et résigné sur les débris de son trône.

Le 29 au matin, la lutte continuait dans la capitale avec le surcroît d’énergie que donnait au peuple l’enthousiasme des succès de la veille. Alors les personnes de la cour, dont les conseils avaient été longtemps importuns au prince, élevèrent de nouveau la voix, et le conjurèrent de révoquer ses fatales ordonnances. M. de Semonville, grand-référendaire de la chambre des pairs, accourut à Saint-Cloud, et tenta un dernier et prudent effort pour concilier l’autorité vaincue du monarque avec la puissance du peuple courroucé. Le roi refusait d’ajouter foi à l’étendue du péril : enfin, lorsque Marmont eut évacué Paris, et eut reparu à Saint-Cloud avec les débris de ses bataillons, Charles X céda, il révoqua ses ordonnances, et chargea le duc de Mortemart de composer un nouveau ministère. Il n’était plus temps ; trop de sang avait coulé : la commission municipale de Paris, spontanément composée de MM. Jacques Laffitte, Mauguin, Audry de Puyraveau, de Schonen, Lobau, et Casimir Périer, rejeta les ouvertures de la cour : le danger de celle-ci redoublait à chaque heure ; des régiments passaient dans les rangs patriotes, le peuple des campagnes s’insurgeait de toutes parts, et Paris allait fondre sur Saint-Cloud. Dans la nuit du 29 au 30 juillet, Charles X ordonna le départ pour Versailles. Lorsqu’aux lueurs naissantes du jour il traversa, pour la dernière fois, le palais si longtemps témoin des pompes et des splendeurs royales, lorsque, entouré de sa famille, il aperçut l’enfant dont des milliers de voix avaient salué les glorieuses destinées, quand il le vit prêt à s’avancer avec lui vers la terre d’exil, alors des larmes sillonnèrent les joues du vieillard découronné, et une angoisse douloureuse étouffa ses paroles. Quelques heures plus tard, Charles X était à Trianon, et les vainqueurs parisiens à Saint Cloud.