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RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE.

d’Orléans, accompagné de ses fils aînés les ducs de Chartres et de Nemours, se rend en grand cortége au palais Bourbon, où sont réunis les pairs, les députés, le corps diplomatique et une assemblée nombreuse. Il prend place sur un pliant disposé au-dessous du trône vacant, et après la lecture de la déclaration des deux chambres, le prince se découvre, lève la main, et dit : « En présence de Dieu, je jure d’observer fidèlement la charte constitutionnelle, avec les modifications exprimées, dans la déclaration ; de ne gouverner que par les lois et selon les lois ; de faire rendre bonne et exacte justice à chacun selon son droit, et d’agir en toute chose dans la seule vue de l’intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. »

Le prince, après avoir signé la formule du serment, monta sur le trône, et de ce moment il fut reconnu pour roi des Français, sous le nom de Louis-Philippe Ier.

En jetant les yeux sur le tableau des seize années de la restauration, tout esprit impartial et non prévenu comprendra que la France, durant la plus grande partie de cette époque, s’est trouvée dans une crise dont il était à craindre qu’elle ne put sortir que par une révolution nouvelle. En effet, les classes moyennes et les plus influentes se voyaient en 1814 en possession d’avantages qui, pour la plupart, étaient les fruits de la révolution de 1789 ; tandis que les princes appelés à gouverner la France étaient poussés, d’une manière fatale, à agir sous une influence directement contraire aux nouveaux et puissants intérêts de ces classes. Il y avait lieu de redouter que, pendant trois générations, le trône ne fut occupé par des souverains étrangers aux mouvements de l’esprit public et imbus de préjugés hostiles aux institutions nationales : et l’on n’ignorait pas qu’en vertu des mêmes notions erronées sur le droit divin, qui, avant eux, avaient perdu les Stuarts, ces princes se croyaient investis par Dieu même du droit de renverser, lorsqu’ils le jugeraient nécessaire et possible, tout