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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

faire un si grand nombre d’ennemis ; mais ses plans généraux, ses besoins, et les menées mêmes de ses adversaires, exigèrent toutes ces innovations.

L’assemblée, après les 5 et 6 octobre, eut son émigration, comme la cour avait eu la sienne après le 14 juillet. Mounier et Lally-Tollendal la quittèrent, et désespérèrent de la liberté au moment où leurs idées cessèrent d’être suivies. Trop absolus dans leurs plans, ils auraient voulu que le peuple, après avoir délivré l’assemblée au 14 juillet, cessât tout d’un coup d’agir : ce qui était méconnaître l’entraînement des révolutions. Lorsqu’on s’est servi du peuple, il devient très difficile de le licencier ; et le plus prudent n’est pas de contester, mais de régulariser son intervention. Lally-Tollendal renonça à son titre de Français et retourna en Angleterre, pays de ses aïeux. Mounier se rendit dans le Dauphiné, sa province, qu’il tenta de soulever contre l’assemblée. Il y avait de l’inconséquence à se plaindre d’une insurrection et en provoquer une, lors surtout qu’elle eût profité à un autre parti ; car le sien était trop faible pour se soutenir entre l’ancien régime et la révolution. Malgré son influence dans le Dauphiné, dont il avait dirigé les anciens mouvements, Mounier ne put pas y établir un centre de résistance durable ; mais l’assemblée fut avertie par là de détruire l’ancienne organisation provinciale, qui pouvait servir de cadre à la guerre civile.

Après les 5 et 6 octobre, la représentation nationale avait suivi le roi dans la capitale, que leur présence commune avait beaucoup contribué à calmer. Le peuple était satisfait de posséder le roi, les motifs qui excitaient son effervescence avaient cessé. Le duc d’Orléans, qui, à tort ou à raison, était considéré comme le machinateur de l’insurrection, venait d’être éloigné ; il avait consenti à se rendre en Angleterre avec une mission. Lafayette était décidé à maintenir l’ordre ; la garde nationale, animée du meilleur esprit, acquérait chaque jour l’habitude de la discipline et de l’obéissance ; la municipalité sortait de la première confusion de son établissement, et commençait à prendre de l’autorité. Il ne restait plus qu’une cause