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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

À peine les départements furent-ils formés, qu’elles y envoyèrent des commissaires pour réunir les électeurs, et tenter de nouvelles nominations. Leur espoir n’était point d’obtenir des choix favorables, mais de faire naître des divisions entre l’assemblée et les départements. Ce projet fut dénoncé à la tribune ; et dès qu’il fut connu, il échoua. Ses auteurs s’y prirent alors d’une autre manière : le terme des mandats donnés aux députés des états-généraux était arrivé, leur pouvoir ne devait durer qu’un an, d’après le vœu des bailliages. Les aristocrates profitèrent de cette expiration pour demander le renouvellement de l’assemblée. S’ils l’avaient obtenu, ils auraient remporté un très grand avantage, et dans ce but, ils invoquèrent eux-mêmes la souveraineté du peuple. « Sans doute, leur répondit Chapelier, toute souveraineté réside dans le peuple, mais ce principe est sans application dans la circonstance présente. Ce serait détruire la constitution et la liberté que de renouveler l’assemblée avant même que cette constitution soit finie : tel est, en effet, l’espoir de ceux qui voudraient voir périr la constitution et la liberté, et voir renaître la distinction des ordres, la prodigalité du revenu public, et les abus qui marchent à la suite du despotisme. » Tous les regards se dirigèrent en ce moment vers le côté droit, et s’arrêtèrent sur l’abbé Maury. Envoyez ces gens-là au Châtelet, s’écria brusquement celui-ci, ou si vous ne les connaissez pas, n’en parlez point. — « Il est impossible, continua Chapelier, que la constitution ne soit pas faite par une seule assemblée. D’ailleurs, les anciens électeurs n’existent plus, les bailliages sont confondus dans les départements ; les ordres ne sont plus séparés. La clause de la limitation des pouvoirs devient donc sans valeur ; il est donc contraire aux principes de la constitution que les députés dont les mandats en sont frappés ne demeurent pas dans cette assemblée : leur serment leur commande d’y rester, et l’intérêt public l’exige. »

« On nous environne de sophismes, reprit alors l’abbé Maury ; depuis quand sommes-nous une convention na-