Page:Mikhaël-Lazare - La Fiancée de Corinthe, 1888.djvu/18

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es belle comme ne le fut nulle nymphe, et ils n’ont pas connu mieux que moi le bonheur suprême, les héros qui furent élus entre les hommes pour recevoir des baisers de déesses.

Apollonia

Bien-aimé… Là-bas, dans la palestre poudreuse où jouait la jeunesse, tu m’es apparu comme un roi victorieux au milieu de captifs sans gloire. Il me semble qu’avant toi je n’avais jamais vu d’éphèbes. Tu viens vers moi, pareil au dieu resplendissant qui se lève dans les cieux, et, quand tu t’en vas, je te contemple au loin, triste et ravie, comme on regarde le soleil disparaître sur la mer. Depuis hier, je ne t’avais pas vu !

Manticlès

Je t’ai vue !

Apollonia

Tu m’as vue ?

Manticlès

Oui. Sur une galère aux voiles de pourpre, je t’emportais vers mes hautes demeures, vers la grande île d’Euboia. Tu étais assise sur un escabeau d’ivoire, plus radieuse qu’Hélène, et, dans le lointain, je voyais déjà paraître les murailles de Khalkis. Mais, devant le vaisseau rapide, fuyait la ville, comme devant le chasseur les roses flamants. J’étais couché à tes pieds et j’oubliais la mer, j’oubliais les prochains rivages. Insoucieux, je buvais tes regards. Au milieu du vaste océan, le navire voguait sans pilote et sans rameurs. Pareils aux ancêtres de la Hellas, pareils à Deukaliôn, fils de Promêtheus et à la divine Pyrrha, nous flottions sur la terre engloutie par une nouvelle colère de