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l’utilitarisme

des sentiments de conscience de l’humanité. Naturellement cette sanction n’est pas reconnue par ceux auxquels manquent ces sentiments. Mais ces individus n’obéiraient pas plus à un autre système qu’à l’utilitarisme, les sanctions extérieures ont seules quelque prise sur eux. Néanmoins ces sentiments existent, c’est un fait dans la nature humaine. Leur réalité, l’influence qu’ils exercent, là où ils sont cultivés, sont des faits prouvés par l’expérience. Il n’y a pas de raison pour que, liés à l’utilitarisme, ils n’atteignent pas une aussi grande intensité que s’ils étaient liés à toute autre règle morale.

On croit généralement qu’une personne qui voit dans l’obligation morale un fait transcendantal, une réalité objective, appartenant à la série « des choses en soi » est plus disposée à obéir à cette obligation qu’une personne qui la croirait purement subjective, et ayant seulement son siège dans la conscience humaine. Mais quelle que soit l’opinion de l’individu sur ce point d’ontologie, la force qui le contraint est bien son propre sentiment subjectif et se mesure exactement à son intensité. Chez personne la croyance à la réalité objective du devoir n’est plus forte que la croyance à la réalité objective de Dieu. Cependant la foi en Dieu, séparée de l’attente de la récompense