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remarques générales

avec un édifice, mais celles des racines avec un arbre ; ces racines remplissent parfaitement bien leur office, quoiqu’elles ne doivent jamais être déterrées ni exposées à la lumière. Mais, quoique dans la science, les vérités particulières précèdent la théorie générale, on doit attendre le contraire d’une science pratique telle que la morale ou le droit. Toute action est faite en vue d’une fin, et les règles de l’action doivent, semble-t-il, recevoir leur caractère, leur couleur, de la fin qu’elles servent. Quand nous commençons une poursuite, une conception claire et précise de ce que nous poursuivons doit être la première chose à chercher au lieu de la dernière. Un examen du bien et du mal devrait donc être le moyen de fixer ce qui est bien ou mal et non la conséquence de l’avoir déjà fixé.

La difficulté n’est pas annulée lorsqu’on a recours à la théorie populaire d’après laquelle une faculté naturelle, un sens ou un instinct, nous fait connaître le bien et le mal. D’abord l’existence de cet instinct moral est discutée, puis ceux qui y croyaient et qui avaient quelques prétentions à la philosophie ont été obligés d’abandonner l’idée que cet instinct était capable de discerner le bien ou le mal dans les faits particuliers, comme nos autres sens discernent la