Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de choses subsister intact en principe, quoiqu’ils aient pu lutter contre quelques-uns de ses détails. Ils se sont inquiétés de savoir qu’est-ce que la société devrait aimer ou ne pas aimer, plutôt que de savoir si ce qu’elle aimait ou n’aimait pas devait être imposé aux individus. Ils se proposèrent de changer les sentiments de l’espèce humaine sur quelques points particuliers où ils étaient eux-mêmes coupables d’hérésie, plutôt que de faire cause commune pour la défense de la liberté avec tous les hérétiques en général. On ne s’est élevé plus haut avec préméditation, et on ne s’y est maintenu avec consistance qu’en matière de religion : un cas instructif de plus d’une façon, et surtout comme offrant un exemple frappant de la faillibilité de ce qu’on appelle le sens moral ; car l’odium théologium dans un bigot sincère, est un des cas les moins équivoques de sentiment moral. Ceux qui les premiers secouèrent le joug de ce qui s’appelait l’église universelle, étaient en général aussi peu disposés à permettre des différences d’opinion religieuse que cette église elle-même. Mais quand la chaleur de la lutte fut dissipée sans donner victoire complète à aucun parti, quand chaque église ou secte dut borner ses espérances à garder possession du terrain qu’elle occupait, les minorités, voyant qu’elles n’avaient pas de chance de devenir des majorités, furent obligées de plaider la libre dissidence