y a à refuser d’écouter des opinions parce que nous les avons condamnées d’avance dans notre propre jugement, il serait désirable d’établir la discussion sur un cas déterminé. Je choisis de préférence les cas qui me sont le moins favorables, ceux dans lesquels l’argument contre la liberté d’opinion, et pour le compte de la vérité et pour le compte de l’utilité, est regardé comme le plus fort.
Mettons que les opinions attaquées sont la croyance en Dieu et en une vie future, ou n’importe laquelle des doctrines de morale généralement acceptées. Livrer bataille sur ce terrain, c’est donner grand avantage à un adversaire de mauvaise foi, car il dira sûrement (et beaucoup de personnes qui ne désirent nullement être de mauvaise foi, se le diront aussi) : Sont-ce là des doctrines que vous n’estimez pas suffisamment certaines pour être prises sous la protection de la loi ? La croyance en Dieu est-elle une de ces opinions dont on ne peut pas se sentir sûr, sans prétendre selon vous à l’infaillibilité ? Mais je demande la permission de remarquer que se sentir sûr d’une doctrine, quelle qu’elle soit, n’est pas ce que j’appelle prétendre à l’infaillibilité. J’entends par là, entreprendre de décider cette question pour les autres, sans leur permettre d’entendre ce qu’on peut dire de l’autre côté. Et je ne dénonce et ne réprouve pas moins cette prétention, si elle s’avance pour soutenir mes convictions les plus solennelles.