Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/143

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la vie sans reproche et respectés. Lorsque le grand-prêtre déchira ses vêtements en entendant prononcer les paroles qui, suivant toutes les idées de son pays, constituaient le plus noir des crimes, son indignation et son horreur étaient très-probablement aussi sincères que le sont aujourd’hui les sentiments moraux et religieux professés par la généralité des hommes pieux et respectables. Et beaucoup de ceux qui frémissent maintenant de sa conduite, auraient agi exactement de même, s’ils avaient vécu à cette époque, et parmi les Juifs. Les chrétiens orthodoxes qui sont tentés de croire ceux qui lapidèrent les premiers martyrs des hommes bien pires qu’eux-mêmes, devraient se rappeler que saint Paul fut au nombre de ces persécuteurs.

Ajoutons encore un exemple, le plus frappant de tous, si l’erreur fait d’autant plus d’impression que celui qui la commet possède plus de sagesse et de vertu. Si jamais un monarque eût sujet de se croire meilleur et plus éclairé qu’aucun de ses contemporains, ce fut l’empereur Marc-Aurèle. Maître absolu de tout le monde civilisé, il garda toute sa vie non seulement la justice la plus pure, mais, ce qu’on aurait moins attendu de son éducation stoïque, le cœur le plus tendre. Le peu de fautes qu’on lui attribue viennent toutes de son indulgence, tandis que ses écrits, les productions morales les plus élevées de l’antiquité, diffèrent a peine, si même ils